L’Officiel Horlogerie & Bijouterie : Existe-t-il, encore aujourd’hui, des bijoutiers qui ne sont pas équipés en matière de sécurité face aux risques actuels ?
Verspieren : Oui, on en trouve encore. Des éléments tels que coffre-fort, système d’alarme et devanture en produit verriers renforcés ou bien grille ou rideau à enroulement sont utilisés depuis longtemps et généralement présents. Par contre certains bijoutiers sont encore peu équipés pour faire face aux menaces actuelles, particulièrement dans le domaine de la dissuasion.
L’OHB : C’est tout de même surprenant, car les médias ne manquent pas de relayer les braquages.
Verspieren : Les bijoutiers sont effectivement bien informés des vols et agressions, non seulement par les différents médias, mais aussi par leurs instances professionnelles HBJO. Cependant, certains, surtout s’ils n’ont jamais connu le moindre incident en 30 ans de métier, pensent être moins vulnérables, de par la situation particulière de leur bijouterie ; alors ils finissent par croire « je suis moins concerné que mes confrères ».
L’OHB : Au fond, c’est dans la nature humaine de se penser à l’abri.
Verspieren : Exact, la majorité d’entre nous réagissons ainsi, nous oublions que le danger provient souvent de l’extérieur de manière imprévisible. Prenons l’image d’un conducteur automobile prudent et sûr de ses réflexes. Certes aucun accident ne sera dû à son inattention. Mais il ne sera jamais totalement à l’abri d’un incident plus ou moins grave causé par un autre chauffeur moins attentif ou par une circonstance exceptionnelle. Pour un bijoutier c’est la même chose. Il peut toujours raisonner dans ce sens : « je suis attentif à ceux qui entrent dans ma boutique, etc., donc je risque moins… ». L’emplacement de la boutique peut également procurer ce sentiment d’être moins en danger : « Ma boutique est dans une petite ville tranquille » ou « proche d’un commissariat », « dans une zone piétonne »…
L’OHB : Quand on évoque la sécurité d’une bijouterie, il s’agit aussi de la sécurité des personnes qui travaillent dans la boutique.
Verspieren : L’analyse des vols survenus ces dernières années montre en effet qu’un bijoutier « non préparé » aura plus de difficultés à faire face à une situation de crise, comme un braquage, souvent très brutal. Or nous vivons dans une société et un monde du travail qui ont une exigence plus forte en matière de sécurité des personnes et imposent des moyens minimum basés sur le concept d’éviter la mise en danger de la vie d’autrui. Je pense bien entendu surtout aux employés. De nombreuses professions, dont font partie les bijoutiers, doivent donc mener une réflexion sur l’évolution et l’adaptation de « normes » de prévention minimum.
L’OHB : Les « assureurs » spécialisés sont aussi présents auprès de leurs clients pour les conseiller.
Verspieren : Absolument, c’est le coeur de notre métier. Nous informons régulièrement nos clients des évolutions des techniques, et les aidons au quotidien à bien évaluer leur besoin en matière de sécurité et d’assurance.
L’OHB : Quels sont les éléments de sécurité « minimum » et indispensables pour une bijouterie ?
Verspieren : Les éléments minimum consistent généralement en : coffre-fort de classe IV ou équivalent, installation de détection anti-intrusion reliée à une société de télésurveillance certifiée P3, devanture protégée par rideau métallique plein ou par grille à enroulement, porte d’accès clientèle équipée d’un verrou magnétique ou électrique avec contrôle d’ouverture, produits verriers des vitrines aux normes SP 10 ou SP 15. (Les boutiques en centre commercial font l’objet de mesures particulières).
Ensuite les éléments de sécurité à mettre en place dépendent évidemment de la valeur du stock de marchandises ; plus il est important, plus le risque est élevé et les moyens de prévention importants. Les bijoutiers sont assez souvent bien équipés face au cambriolage, mais nettement moins face aux vols à main armée, pour lesquels des moyens spécifiques sont de plus en plus souvent nécessaires. Comme le sas d’entrée qui permet de filtrer la clientèle ; ou la vidéosurveillance, désormais largement implantée en complément des boutons anti-agression.
Les éléments verriers composant les vitrines externes et internes et le mode de gestion de ces vitrines et leur cloisonnement sont aussi essentiels (les fabricants proposent des produits très résistants avec des systèmes de gestion perfectionnés). De nouveaux moyens sont également à la disposition des bijoutiers : citons en particulier les fumigènes, très efficaces. Et bien entendu la formation spécialisée contre le braquage et sur les procédures de sécurité est un outil très important pour la sécurité des personnes. Outre la valeur des stocks, les moyens à mettre en place sont fonction aussi de l’implantation de la boutique et de ses « points faibles ». C’est notre rôle de courtier spécialisé que d’assister les bijoutiers dans cette démarche, en étudiant avec eux la configuration de leur boutique et leur environnement.