Les règles ne manquent pas dans une profession qui devance les attentes du client. Joaillerie éthique.
Dans le commerce du diamant, les réglementations en faveur d’une bonne pratique dans le domaine de l’éthique sont nombreuses. Les plus connues sont contenues dans le processus de Kimberley visant à proscrire les diamants issus de zones de conflits. Mais cela semble insuffisant aux yeux de ceux qui veulent aller plus loin et garantir des conditions de travail et de vie décentes aux mineurs et à leurs familles.
Le RJC (Responsible Jewellery Council) compte environ 950 membres à ce jour
Les membres viennent de toute la filière et certifient respecter les exigences du Conseil en matière de respect des droits de l’homme, du droit social et de l’environnement. Le RJC accueille de nouveaux membres chaque semaine dont elle diffuse largement la liste. La loi américaine Dodd-Franck oblige les sociétés cotées à publier les procédures qu’elles mettent en place pour que les « minéraux du conflit » n’alimentent pas la guerre en RDC.
Ceci concerne essentiellement l’or
Les grands ou moins grands « miniers » du diamant ou d’autres pierres précieuses n’ont de cesse de faire valoir leurs initiatives responsables : programmes de santé et d’éducation, formation des femmes, respect des droits de l’homme et du travail, investissements dans des infrastructures locales afin que les mineurs et leur communauté soient les premiers bénéficiaires de la richesse produite.
Deux exemples
De Beers annonce qu’elle ouvre l’exploitation d’une mine au Canada en parallèle avec un financement d’infrastructures locales. L’or de Guyane ne pourra être exploité sans un programme d’investissements profitant directement aux habitants. Les contributions prennent aussi la forme d’aides accordées à de jeunes créateurs de joaillerie, en particulier en fournissant des pierres et en médiatisant les créations (Gemfield). Tiffany s’attache à anticiper les problèmes de ses mines en Amérique du Nord : appauvrissement de l’environnement, modification de l’écosystème mettant en péril l’habitat naturel de certaines espèces, pollution de l’eau atteignant parfois des zones très éloignées des mines.
Un or « fairmined »
Sur le sujet de l’or, l’ARM (Alliance for Responsible Mining) est très active dans l’accompagnement et la certification d’exploitations artisanales d’Amérique latine, garantissant un or « fairmined ». Mais les problèmes liés à l’exploitation des mines ont suscité un autre type d’initiatives. Les fabricants de diamants de synthèse commencent à se faire entendre dans l’hexagone. En 2015, Stéphane Wulwik, ancien gemmologue au GIA et fondateur de Caratime, a créé Innocent Stone, société de diamants de synthèse fabriqués en Chine. Il est persuadé que son activité s’inscrit dans un mouvement de fond, une attitude plus éthique du client final. Les arguments des fabricants de diamants synthétiques se basent sur deux constatations.
L’exploitation des mines détruit l’environnement et l’écosystème, sans parler de l’extraction de l’or, extrêmement polluante
Des centaines de milliers de mineurs dans le monde travaillent dans des conditions dangereuses, pour un salaire médiocre. Ajoutons que les petits trésors que représentent les pierres précieuses, dont les mines sont en quasi-totalité situées dans des pays pauvres, attisent la convoitise des organisations criminelles. Or le public est de plus en plus sensible à ce sujet, en particulier les jeunes générations.
Si elles n’ont certainement pas renoncé au diamant, qui les fait toujours rêver, elles seront certainement plus regardantes sur la pratique d’une industrie qui reste encore soupçonnée d’un manque de transparence. Par ailleurs, le film produit par la DPA « Real is rare, real is a diamond » est un message sur ce que les jeunes recherchent aujourd’hui, plus d’authenticité et de sincérité, plus d’éthique et la protection de l’environnement. Cette génération pourrait devenir hautement « volatile » en cas de soupçon avéré sur les bonnes pratiques. Les joailliers sont nombreux à suivre de près les réglementations mises en place, voire à les devancer. Chopard met en avant ses collections de joaillerie éthique et n’a pas manqué de souligner récemment son action auprès de la mine dont provient son extraordinaire brut D IF de 342 carats.
Chez les bijoutiers, peu de marques de joaillerie dites « éthiques » existent et elles sont petites
Parmi elles, on peut citer Pauline à Bicyclette, April Paris, JEM, Flore & Zéphyr, OR DU MONDE. Mais avouons-le, si ces marques méritantes ont du mal à décoller, c’est parce que les femmes achètent encore un bijou coup de cœur et non un bijou équitable. Les deux notions semblent même, oserait-on le dire, peu compatibles… La séduction et l’hédonisme qui guident notre achat s’accommodent-ils des sentiments généreux qui sous-tendent le geste éthique ? Mais le problème est peut-être ailleurs.
Dans ces marques, l’offre est encore timide en termes de couleurs, de choix, de volumes, même si l’on apprécie la finesse et la légèreté de certaines créations. L’absence de couleur est souvent due au fait que le commerce des pierres de couleur est incontrôlable, donc non traçable, tant tant il est atomisé. Donc, les joailliers éthiques ne les utilisent pas. Par ailleurs, il est probable que la demande n’existe pas encore. Les clients exigent assez peu de leur joaillier les certificats KP… quand ils le connaissent. Il y a donc encore un vrai décalage entre ce que les clients demandent et les garanties d’origine que les professionnels peuvent offrir. Le combat de la filière pour imposer les bonnes pratiques de la mine à la vitrine n’en est que plus noble. I.H.