Tel était le titre d’un article paru le 28 novembre 2019 dans le quotidien Le Monde avec en introduction : « Une dizaine de marques horlogères se targuent de proposer des montres made in France. Engagement notable ou argument de vente ? Difficile à dire car si les modèles sont assemblés dans l’Hexagone, les composants proviennent de l’étranger. » Patrice Besnard, délégué général de France Horlogerie fait des propositions.
Les conséquences de la mondialisation reposent régulièrement la question du made in. L’horlogerie française a très tôt été confrontée à une fuite de son savoir-faire du fait de décisions politiques (révocation de l’Edit de Nantes qui a fait essaimer les horlogers huguenots en Europe). Elle n’a pourtant pas disparu et s’est adaptée au fi l des circonstances.
Toutefois en horlogerie, il existait déjà de nombreux échanges entre les principaux producteurs européens qui se sont amplifiés au XIXe siècle.
Mais on ne saurait réduire l’horlogerie à la seule fabrication de montres
Si on parle Temps Fréquence ou parcmètres (les horodateurs requièrent désormais l’immatriculation du véhicule mais on peut aussi payer par téléphone), la France est en haut du peloton de tête. C’est ainsi que l’unité internationale du Temps, la seconde, est définie par le Bureau international
des poids et mesures dont le siège est basé à Sèvres et l’Observatoire de Paris est désigné au plan mondial pour définir régulièrement la seconde intercalaire.
Cette dernière, également appelée saut de seconde ou seconde additionnelle, est un ajustement occasionnel d’une seconde du temps universel coordonné (UTC) lié au temps atomique international (TAI) pour que le temps universel coordonné demeure proche du temps solaire moyen donné par le temps universel (UT1). C’est une société bisontine qui est le leader mondial des parcmètres installés de New York à Munich.
La France reste donc un pays horloger et, si le secteur de la montre a connu bien des vicissitudes (la dernière en date étant la crise du quartz), l’arrivée depuis 4/5 ans d’une bonne cinquantaine de jeunes marques ou créateurs fait la brillante démonstration que l’horlogerie française peut s’appuyer sur de vraies valeurs qui ne se limitent pas au seul 100 % made in. Taux d’ailleurs irréaliste si l’on inclut la valeur de la matière première pour nombre de marques horlogères.
La notion du « made in » mériterait d’être examinée avec des critères plus stricts
Face à l’émergence des pays à bas salaires (Japon dans les années 60, Hong Kong dans les années 70/80 puis Chine…), un pays comme la Suisse a intégré en 1971 dans sa définition de « montre suisse » la notion de mouvement pour l’élargir ensuite aux notions d’assemblage en Suisse et tout récemment de pourcentage de valeur ajoutée suisse (60 %) avec un « mode de faire » qui fait la joie des juristes.
Mais quand on examine la nationalité d’une partie de la main-d’œuvre employée en Suisse, le caractère « suisse » est élastique comme il l’est aussi d’ailleurs dans d’autres industries comme l’automobile en Europe qui utilisent une forte main-d’œuvre immigrée.
Alignée sur les règles de l’Union européenne, la France se fonde sur la notion d’ouvraison substantielle qui confère les caractéristiques de la montre pour le marquage d’origine : des composants de la montre à l’assemblage, on change de position du tarif douanier.
Cette définition est jugée trop souple par certains, d’où la création de labels plus stricts comme « France origine garantie » qui s’appuient sur un pourcentage de valeur (50 %).
Comme l’a très justement souligné le Président de la République dans son discours d’inauguration de l’exposition « Fabriqué en France » des 18 et 19 janvier dernier : « Le fabriqué en France, c’est fabriqué en France dans un monde ouvert.Vous n’avez pas tous décidé ni ne pouvez avoir 100 % de vos composants français, mais la démarche dans laquelle vous vous êtes engagés,… c’est de se dire à chaque fois que l’on peut reproduire, rouvrir, réinternaliser une partie de la chaîne de production avec une chaîne française, on le fait… »
Aussi bien dans l’assemblage que dans la recherche de composants, certaines marques suivent cette démarche. Mais cela n’est pas forcément possible de le faire au regard du positionnement prix dans un environnement concurrentiel ouvert.
En tout état de cause il existe en France un écosystème horloger qui peut permettre d’avancer : écoles, laboratoires et observatoires, savoir faire des entreprises reconnues par de nombreux acteurs du luxe.
L’accompagnement du retour à un certain « made in France » se fera par étapes : outre la question d’un mouvement français où il paraît nécessaire de s’interroger sur le caractère de nouveauté plutôt que de copier l’existant, un projet d’Indication d’origine (IG) horlogère a le mérite de combiner à la fois lieu de fabrication mais aussi de contrôler des caractéristiques du produit. C’est une piste avancée par France Horlogerie.
Néanmoins face à la montée en puissance des exigences en matière environnementales, d’éthique, la traçabilité des produits devient un enjeu encore plus incontournable que le simple « made in ». Face à la prise de pouvoir du consommateur, il est important pour les marques de se positionner sur un schéma de transparence car, en cas de manquement, les réseaux sociaux seront intransigeants.
Dans ces conditions, plutôt que de pratiquer une certaine loi du silence, autant être clair avec le consommateur.
En outre, le fait de favoriser le retour de l’assemblage en France va nécessairement induire l’apport d’un écosystème de sous-traitance en faveur du made in . M. T.