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La crise sanitaire passée, on attend le rebond. Le secteur de l’horlogerie est rentré dans la crise avec la volonté de redéployer son industrie horlogère. La crise a confirmé cette nécessité. Comment y parvenir ? Pour avoir des éléments de réponse, nous avons interrogé Guillaume Butty, Président de France Horlogerie.
L’Officiel Horlogerie & Bijouterie : Quel est l’impact de la crise sanitaire
du Covid 19 sur le secteur horloger ?

Guillaume Butty : Au niveau des marques de montre, l’activité a été à l’arrêt entre le 17 mars et le 11 mai. Les fabricants de composants ont continué de travailler leurs commandes en cours mais avec des taux d’activité divers selon leurs possibilités d’adaptation aux contraintes sanitaires.
Le gros volume : l’horlogerie domestique (pendules, comtoises), a été à l’arrêt. En revanche, celui de l’horlogerie industrielle a continué de travailler sur les commandes engrangées mais il souffre de l’arrêt des commandes publiques dû au report des élections municipales. C’est quasiment un début d’année « blanche » pour ce dernier. Pendant la crise, a soutenu et aidé ses entreprises dans leurs besoins. Dès mi-mars, elle les a accompagnées par visioconférence : mise en place des PGE, contraintes sanitaires imposées par le Covid 19.

L’OHB : Est-ce que l’industrie horlogère repart ?

G. Butty : Il y a une reprise mais elle n’est pas uniforme selon la typologie des entreprises. Dans le secteur de la distribution, on a depuis fin mai, un niveau d’activité identique à celui de l’année précédente. C’est encourageant mais on a du mal à lire dans cette reprise, la part du rattrapage et celle de la consommation générique. C’est une vraie question pour estimer le niveau d’activité des mois à venir.

Fin mai, les Français ont placé en épargne quelque 24 milliards et si rien n’est fait, c’est quelque 100 Milliards d’épargnes à la fin de l’année qui sont attendus.

Face à la réalité de cet argent économisé, il n’y a aucune certitude sur son utilisation dans la consommation à venir. Cette épargne reste potentiellement un second souffle possible pour la fin d’année si le gouvernement met en place des incitations fortes à la consommation. Pour sauvegarder l’emploi et donner de la souplesse à la trésorerie des ménages, la mise en place du chômage partiel par l’État a permis aux salariés de traverser la crise plus aisément.

La redistribution de cet argent épargné vers la consommation et au profit des entreprises serait un juste retour des choses.

Enfin, dans le secteur des fabricants de composants, on a une vraie interrogation sur la reprise de leur activité, étroitement liée aux acteurs du luxe. L’impact de la baisse de la consommation et du tourisme international s’est fait sentir directement sur les commandes de composants en provenance des marques de la Place Vendôme et des manufactures suisses. Quand au secteur du gros volume, il subit le report des élections municipales, et la reprise des commandes publiques tarde à venir.

L’OHB : Y-a-t-il eu des initiatives intéressantes au niveau des entreprises ?

G. Butty : Nos entreprises ont été très courageuses. Nombre d’entre elles ont vite réagi en redéfinissant leur gamme de produits, la gestion de leurs équipes jusqu’à faire des choix affirmés dans leurs orientations stratégiques. Ce passage difficile a souvent été mis à profit pour réfléchir et parfois innover. Certaines sociétés se sont redéployées dans le domaine du numérique, d’autres ont créé de nouveaux produits.

L’OHB : Vous voulez dire que la crise a eu aussi des aspects positifs ?

G. Butty : Nos marques font face à la crise, sans esquive. « À quelque chose, malheur est bon ». L’adversité doit rendre les entreprises plus attentives au marché et à l’expression des consommateurs sur les réseaux sociaux où la communication directe avec le client permet de sentir et d’anticiper les évolutions des modes de consommation. Les thèmes mis en exergue comme le Made in France, l’économie circulaire, la question environnementale, la RSE,… sont autant de sujets pour accompagner les tendances du marché. Ils montrent le nécessaire redéploiement de nos activités dans la communication et la distribution numérique.

L’OHB : Est-ce à dire que la communication des entreprises deviendra plus « phygitale* »

G. Butty : Oui, la combinaison des techniques marketing de la communication physique avec celles du marketing digital s’impose par les faits. Le Covid 19 n’aura été qu’un accélérateur de la transformation. Cette année, mis à part les « Journées d’achat » qui sont bien heureusement confirmées pour les 6 et 7 septembre prochains (annulé depuis en raison du Covid-19), les plus grands salons professionnels HBJO ont été annulés pour 2020.

France Horlogerie réfléchit à mettre en place, avec Francéclat et l’UBH, un salon en ligne.

Il s’agit d’une plateforme digitale, où les webinars et la visioconférence auront une place centrale pour présenter les produits, prendre des rdv en ligne,… Bref faire de manière bien réelle en virtuel ce que l’on faisait avant de personne à personne. Cette transformation vers plus de numérique est un point remarquable de la crise et devra évoluer en 2021 vers un format Phygital, alliant l’expérience présentielle aux techniques numériques.

L’OHB : La crise a-t-elle créé plus de solidarité entre les différents acteurs de la filière HBJO ?

G. Butty : Il est sûr que le secteur HBJO sera plus fort si l’on joue la carte de la « solidarité Filière » à tous les niveaux. Les marques doivent amplifier l’effort sur leurs approvisionnements en pièces et composants français. Les distributeurs doivent promouvoir avec vigueur les marques françaises dans leurs vitrines. Enfin le consommateur doit reconnaître les savoir-faire français par un regain d’intérêt pour la richesse de nos marques et des acteurs de la filière française HBJO du fabricant de composants jusqu’au réparateur horloger en passant par le détaillant. Sans cette solidarité de filière, il nous sera difficile de soutenir la création horlogère au service du développement de nos emplois en France.

L’OHB : Quelles ont été les aides développées par France Horlogerie pour favoriser le rebond économique ?

G. Butty : France Horlogerie a souligné le fait que nos entreprises auraient du mal à faire face à une crise qui durerait dans le temps en raison de la faiblesse de leurs fonds propres. Depuis mi-mars, France Horlogerie a mis en place une information régulière destinée aux adhérents – mais aussi aux non adhérents – sur les mesures gouvernementales. Les visioconférences hebdomadaires ont permis de faire remonter aux pouvoirs publics les difficultés rencontrées.

Enfin France Horlogerie s’est mobilisée pour la mise en oeuvre d’aides aux entreprises sur leur haut de bilan.

C’est pourquoi, France Horlogerie s’est impliquée au sein de France Industries Créatives dont elle assure l’animation pour porter une proposition tendant à créer un fonds de soutien de 100 millions € en faveur des industries créatives. À l’initiative d’Annie Genevard, députée du Doubs et vice-présidente de l’Assemblée, un amendement a été proposé dans ce sens. Pour l’instant nous n’avons pas eu satisfaction mais des discussions sont en cours avec le ministère de l’Économie et des Finances.

On attend des services de l’Etat, un soutien identique à celui apporté aux secteurs de l’aéronautique ou de l’automobile.

Cette action est menée de concert avec Francéclat, la SDH et les filières ressortissantes. Plus largement cette action se fait dans le cadre de la ré industrialisation de notre pays. Et l’industrie horlogère française est particulièrement concernée. La crise sanitaire est arrivée dans un moment où la profession horlogère était en plein redéploiement provoqué non seulement par l’arrivée de nombreux créateurs ou jeunes marques mais aussi par la nécessité de s’affranchir d’une dépendance à l’étranger. L’État doit faire confiance aux filières professionnelles pour développer une vraie stratégie de ré-industrialisation au bénéfice de l’ensemble des acteurs de la filière. M.T.

* Phygital : un nouveau mot « phygital » pour désigner la fusion des techniques du marketing et du commerce digital avec celles du marketing et du commerce physique.

FRANCE HORLOGERIE