La pandémie du Covid 19 n’est pas terminée mais d’ores et déjà on peut comprendre comment certains acteurs l’ont vécue. Alice Ragueneau, gemmologue à Paris a bien voulu témoigner.
L’OFFICIEL HORLOGERIE & BIJOUTERIE : Présentez-nous votre travail quotidien.
ALICE RAGUENEAU : Je fais du conseil et de la vente de pierres précieuses. Je reçois dans mon bureau des clients qui ont envie d’acheter une pierre et qui ont besoin de conseil, soit pour l’achat de la pierre elle-même ou pour trouver la meilleure façon de la mettre en valeur. Dans le cas d’une création de bijou, à partir d’une pierre vendue ou apportée par un client, je prends le projet de A à Z et choisis les artisans ou fabricants qui vont travailler au projet. J’assure le suivi complet de la conception du travail à la livraison. Je me déplace souvent en scooter dans Paris, car je peux me rendre au domicile des clients qui ne veulent pas transporter des pierres de valeur.
L’OHB : Comment avez-vous vécu l’arrivée de cette pandémie ?
A. RAGUENEAU : D’abord il faut souligner que le Covid est arrivé après les grèves des transports de décembre, qui ont bloqué beaucoup de gens. La plupart avaient plus la tête à gérer des problèmes quotidiens de transports qu’à rêver ou réfléchir à des projets d’achat ou de création de bijoux. Dans notre domaine, les employés des ateliers de bijouterie mettaient aussi beaucoup de temps à se rendre au travail. Il a fallu récupérer ce temps perdu et ils n’ont pas non plus pris de vacances. Puis les grèves à peine terminées, le Covid est arrivé réduisant encore le nombre d’ouvriers autorisés à travailler dans les ateliers pour répondre aux contraintes sanitaires. En lui-même le Covid n’a pas été aussi terrible pour notre business que la grève des transports en décembre ou les dégâts des manifestations de gilets jaunes qui ont créé une baisse drastique des clients. C’est d’abord cette fin 2019, si agitée, qui a eu des impacts très négatifs sur notre activité et qui a été pour nous une période réellement difficile et problématique. Le Covid est arrivé après tout cela.
L’OHB : Quels ont été pour vous les impacts de la crise du Covid ?
A. RAGUENEAU : La pandémie du Covid 19 a été mondiale, aucun pays n’a été épargné. Mes fournisseurs de pierres ont été aussi touchés et mes approvisionnements en pierres ont été perturbés et plus souvent stoppés. Mais Le plus gênant pour nous a été l’incapacité des sociétés de courrier à gérer cette situation de crise sur le territoire national. On pourrait s’attendre d’un pays comme la France qu’il ait prévu ce genre de catastrophe. Par ailleurs, le fléau du Covid a touché tout le monde.
Une pandémie est une catastrophe naturelle, qu’il est impossible à prévoir comme il en a existé des dizaines avant elle, la précédente étant le sida. De fait, les gens l’ont acceptée comme un mal inéluctable mais qui a suscité beaucoup de réactions positives pour lutter collectivement contre ce fléau. Au niveau humain, le Covid a généré une belle réaction de solidarité, une entraide générale, intersectorielle pour que chacun puisse faire son travail au mieux. C’est l’un des plus beaux acquis du Covid. Et qui montre que les personnes peuvent se mobiliser collectivement quand la cause est juste et qu’elle concerne tout le monde. On ne peut en dire autant des mouvements de grèves des transports dont les protagonistes ne se sont pas souciés des dégâts qu’ils ont causés à d’autres travailleurs ou des manifestations des gilets jaunes qui ont provoqué tant de dégradations dans les commerces sur leur passage à Paris.
Néanmoins il y a eu des points positifs au niveau professionnel. La pandémie nous a obligés à réfléchir sur nos façons de travailler. Dans certains cas, elle a montré qu’on pouvait réaliser les choses autrement. Le développement du télétravail ou de la visioconférence pour les rdv en est un bon exemple. Par son caractère mondial, elle a aussi suscité une réflexion sur certains points négatifs de l’économie mondialisée. Par ailleurs, cette crise a aussi reçu beaucoup de soutien de la part des États avec toutefois des inégalités importantes. Les salariés ont plus été aidés avec le chômage partiel et le télétravail que les indépendants, statut fréquent dans notre secteur.
L’OHB : Comment voyez-vous la suite post-Covid ?
A. RAGUENEAU : Le travail redémarre doucement. Maintenant il faut recommencer une vie normale, qui pour moi utilisera un peu plus les technologies numériques. Comme la visioconférence néanmoins, cette pratique doit s’appliquer avec discernement. Si on ne travaille qu’en visioconférence, il y a un risque d’isolement. De plus notre métier est basé sur la confiance que nous accordent nos clients et celle-ci s’acquiert beaucoup plus facilement avec de vrais contacts humains. M.T.
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