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Le 10 septembre dernier, l’ING réunissait à Paris des acteurs importants de la filière sur les enjeux économiques de l’après Covid-19 en collaboration avec La Maison Riondet, Experts Judicaires et Gemmologues.
Des témoignages concrets d’observateurs et d’acteurs en première ligne

En cette fin d’été encore remplie d’incertitudes, la table ronde de l’ING (Institut National de Gemmologie) a fait le point sur la situation économique avec un panel de professionnels : Violaine D’ASTORG, Directrice du département bijoux de Christie’s Paris, Hubert LAPIPE, PDG de Panel 5 (qui fournit les chiffres de Francéclat), Marine DEVOS, Directrice de Bijorhca Paris et Alain NEMARQ, Président de Mauboussin. Leur position d’observateur et d’acteur en première ligne sur le marché leur a permis d’apporter un témoignage concret.

Une année 2020 peut-être pas si mauvaise

Alain Nemarq, Président de Mauboussin, ne veut pas voir l’avenir en noir. D’après lui, le bilan pour la France ne devrait pas trop s’éloigner de celui de 2019. Si la possibilité du recours au chômage partiel a aidé la Maison à passer ce cap difficile, Alain Nemarq n’a pas choisi le recours au télétravail. Après la réouverture de ses boutiques, la marque a bénéficié d’une hausse de son C.A. de 10 % en juin, 16 % en juillet et 30 % en août. Au-delà de ces chiffres plutôt positifs malgré la crise, le principal défi pour Alain Nemarq reste l’incertitude quant à l’évolution de la maladie. Les directeurs de boutiques ont des responsabilités lourdes de mise en place des protocoles et de surveillance. Devoir renouveler au pied levé les équipes touchées par le virus suppose l’organisation d’un turnover rapide, constant et extrêmement stressant.

Deux marchés très différents

Il y a deux marchés à analyser séparément, dit d’emblée Hubert Lapipe, dont la société Panel 5 fournit tous les chiffres du secteur à Francéclat. D’un côté, il y a la catastrophe : les chiffres des Maisons de luxe vont plonger en France parce que leur clientèle, presque exclusivement internationale, a disparu. Le C.A. des montres de plus de 1 000 € par exemple a subi la crise de plein fouet. Les chiffres se sont effondrés de 40 %.

De l’autre côté, nous avons le maillage des HBJO dont le C.A. global ne devrait pas chuter de plus de 10 %. Au premier semestre 2020, les ventes en ligne ont augmenté de 23 % en valeur, à comparer aux 8 % de 2019. Cette belle progression, qui avoisine 10 % du total des ventes, ne compensera pas la perte du C.A. Chez Mauboussin par exemple, l’e-commerce aura probablement doublé cette année, passant de 4 % du C.A. en 2019 à 8 % (estimation) en 2020. À terme, A. Nemarq estime que ce chiffre devrait toutefois plafonner à 12–15 %, comme pour l’ensemble de la profession. La fréquentation des boutiques n’a pas bondi depuis le déconfinement mais la transformation a été plus importante.

Les achats sont plus qualitatifs, les clients semblent s’être lassés des achats boulimiques à petit prix. Si la tendance laisse augurer une fin d’année moins pessimiste que prévu, la grande inconnue reste celle d’un rebond de l’épidémie ou de nouveaux mouvements sociaux très pénalisants.

Bijorhca dans la tourmente

Marine Devos, directrice de Bijorhca Paris, compte bien maintenir la session de janvier 2021 même si elle a dû annuler celle de septembre (Elle a été finalement annulée). 30 % des visiteurs et 60 % des exposants du salon sont étrangers et n’ont pu venir. Pour elle, le contact physique est indispensable, un salon ne se fait pas à distance. Il y a un besoin de voir, de toucher, d’évaluer précisément ce que l’on achète, en particulier la qualité de la fabrication. Les négociations ne peuvent pas se faire sans cette étape indispensable du contact réel. De plus, l’intérêt majeur d’un salon est d’être un grand forum où toute la profession échange, au grand jour comme en coulisse. Un salon virtuel perdrait donc toute sa substance.

Les ventes en ligne aux enchères explosent

En corollaire de cette crise, comme il fallait s’y attendre, Violaine d’Astorg, Directrice du département bijoux de Christie’s Paris, annonce que les enchères en ligne ont littéralement explosé. Depuis plus de 5 ans déjà, la Maison de ventes aux enchères avait enregistré une progression constante d’enchères par téléphone puis en ligne, même pour des valeurs à 6 chiffres. Et les résultats qu’elle donne sont impressionnants : 40 % des acheteurs en ligne sont de nouveaux acheteurs, de 147 nationalités.

Alors que les ventes physiques voient passer au maximum 1700 visiteurs, les ventes en ligne ont enregistré 45 000 vues dont 24 000 visiteurs uniques. Chacun d’eux restait en moyenne 6 minutes 30 sur la page, un chiffre très élevé. Si rien ne remplace le contact physique malgré tout, selon Violaine d’Astorg, elle avoue tout de même qu’un diamant de 28 cts, estimé entre 1 et 2 millions, s’est vendu à plus de 2 millions en ligne… exception ou tendance ? En tout cas, les chiffres ont de quoi impressionner car du côté de Sotheby’s, les résultats sont tout aussi étonnants. La situation à venir ne s’écrira peut-être pas en rose mais une conclusion est certaine, la vente en ligne est une opportunité dont plus aucun commerce ne peut faire l’économie. I.H.

ingemmologie.com