Explosion du digital, arrivée de nouveaux clients, modification des raisons d’achat… les tendances nouvelles sont nombreuses. Les pièces iconiques restent des valeurs fortes de réassurance.
Le webinar FUTUR & LUXE dédié à la Joaillerie et à l’Horlogerie de luxe et animé par Eric Briones, réunissait en visioconférence Céline Assimon, CEO De Beers Forevermark & De Beers Jewellers, Magali Teisseire, directrice du dépt Horlogerie & Joaillerie de Sotheby’s, Arnaud Carrez, Senior Vice President et Chief Marketing Officer de Cartier, Antonio Carriero, Chief Digital and Technology Officer, Breitling et Mehdi Daoudi, CEO de Catchpoint.
Dans le secteur de l’horlogerie et de la joaillerie, les ventes digitales ont changé le métier de vendeur
Les ventes digitales ont changé le métier du vendeur et propulsé l’introduction des technologies jusque-là peu utilisées, comme celle de la vente par caméra interposée. Pour ces actes d’achat très engageants, la qualité de l’image jusque dans les détails, la maîtrise d’un nouveau discours, d’une gestuelle précise et du porté dans un environnement adapté ont été nécessaires. Filmer un bijou dans ses moindres détails, « montrer » la pureté d’un diamant, restituer les nuances d’une pierre de couleur, susciter l’émotion à distance, relevait du challenge. Il a fallu apprendre très vite à mettre en place les bons outils et les bonnes pratiques.
Le luxe n’a pas peur de la cryptomonnaie
La surprise vient du côté de Magali Teisseire, directrice du dépt Horlogerie & Joaillerie de Sotheby’s. Elle ne fait pourtant que confirmer ce que l’on entend partout ailleurs, les ventes digitales ont le vent en poupe dans le luxe. Chez Sotheby’s en 2021, elles ont atteint 70 %, contre 32 % en 2019. Les acheteurs, essentiellement des Asiatiques, n’ont parfois pas 40 ans et achètent en majorité de l’horlogerie mais aussi du vin. La joaillerie a représenté 40 % des ventes. Un diamant poire de plus de 3 millions a été acquis… en crypto-monnaie, une facilité que Sotheby’s met à la disposition de ses clients et qui lui a permis de développer ses ventes.
À la recherche de la valeur
Un autre thème majeur se dessine : la responsabilité, une valeur incontournable pour les clients. Selon Céline Assimon, CEO de De Beers, « le luxe doit donner l’exemple. L’éthique et la responsabilité représenteront 20 à 30 % des achats en 2035 ». En ce qui concerne l’impact sociétal, De Beers est sans doute l‘un des groupes miniers qui met le mieux en avant ses actions. Le phénomène est relativement récent. La filière diamant, habituellement discrète, a pris conscience de l’importance de communiquer et de se positionner dans ce domaine. Arnaud Carrez de Cartier l’affirme à son tour « il n’y a pas d’autre chemin possible, notre but en tant que société de luxe est d’améliorer le monde » et il ajoute « cela ne nous fera pas vendre plus mais ce n’est pas le sujet ». Effectivement, la désirabilité reste le moteur essentiel de l’achat. Chez Cartier, affirmer qu’on utilise majoritairement de l’or recyclé, lancer le modèle Tank Must SolarBeat avec cadran photovoltaïque et bracelet à base de résidus de pomme, nommer sa première Chief Sustainability Officer n’aidera pas à vendre plus mais donne un signal fort d’engagement.
« Une icône ne se décrète pas »
Les valeurs d’une marque ne se résument donc pas à l’engagement humain, sociétal ou environnemental, elles sont avant tout sa capacité à rester désirable, à faire vivre un patrimoine historique et stylistique. C’est le cas pour Cartier avec son fabuleux patrimoine horloger sans cesse revisité (montres Tank, Santos, Panthère, Baignoire, Pasha, Ballon Bleu) comme le salon Watches & Wonders 2022 l’a encore démontré. « Une icône ne se décrète pas, selon Arnaud Carrez, c’est l’histoire qui la construit. Un jour, elle prend une charge émotionnelle et symbolique. Elle devient porteuse de mémoire pour la Maison comme pour les clients. Ces icônes portent une puissance de transformation, elles sont un ressort créatif inépuisable mais la tâche est compliquée pour le studio de création ». L’histoire de la Maison Cartier s’est toujours confondue avec celle de ses icônes. À travers des ouvrages de mémoire exclusifs, le joaillier a fêté le centenaire de sa panthère en 2014 (première utilisation du motif panthère sur une montre Cartier en 1914) puis celui de sa montre Tank en 2017, en sera-t-il de même en 2024 pour les 100 ans de la bague Trinity ?
Réassurance et investissement
La perception des valeurs de la marque contribue fortement à déterminer ou maintenir sa valeur d’investissement. Nous touchons là à une autre tendance de fond qui s’installe, concevoir l’achat d’un bijou ou d’une montre comme un investissement. « Les icônes ont une valeur de réassurance pour le client » poursuit Arnaud Carrez. Les résultats des maisons de vente aux enchères ou des sites de revente de produits de luxe soulignent bien cet engouement pour les pièces iconiques des grandes marques, véritables valeurs refuge affectives ou financières en ces temps incertains. I.H.