Sujet d’attention depuis une vingtaine d’années, la question de la traçabilité des métaux et des pierres a connu récemment des avancées majeures stimulées à la fois par les progrès scientifiques et technologiques et par les impératifs dictés par l’actualité, dont les sanctions visant la Russie en raison de son attaque contre l’Ukraine.
Régulièrement pointé du doigt pour le manque de transparence de sa chaîne d’approvisionnement, que ce soit pour les métaux ou les pierres, le secteur de la joaillerie a entamé depuis une vingtaine d’années une réflexion pour rendre son activité plus éthique et plus vertueuse. Une préoccupation qui rejoint une tendance sociétale forte concernant les enjeux de développement durable et de consommation responsable.
Cette préoccupation s’est même récemment renforcée concernant l’approvisionnement en diamants, du fait du conflit entre la Russie et l’Ukraine. Le G7 et l’union européenne ont conjointement décidé d’interdire depuis le 1er mars les importations de diamants de plus de 1 carat provenant de Russie, interdiction qui s’étendra à partir du 1er septembre aux diamants de plus de 0,5 carat. Les pierres devront obtenir un certificat d’origine et toutes les informations devront être stockées.
Tracer les diamants de la mine au bijou
Plusieurs plateformes sont déjà opérationnelles dans la traçabilité des diamants, notamment Sarine Technologies Ltd, entreprise spécialisée dans les technologies appliquées à l’industrie du diamant. C’est à elle que Boucheron a fait appel en 2022 pour assurer la traçabilité des pierres de sa nouvelle ligne de mariage « Étoiles de Paris » : tous les bijoux sont accompagnés de passeports digitaux fournis par Sarine afin de permettre au client d’accéder à toutes les informations concernant la chaîne de production du diamant, de sa forme brute au bijou final.
En octobre dernier, le fournisseur de diamants de premier plan Rubel & Ménasché annonçait lui aussi un partenariat avec Sarine pour la traçabilité des diamants de petite taille, qui représentent la grande majorité des pierres utilisées dans les bijoux de luxe. «La traçabilité des diamants de petite taille était considérée jusqu’alors comme difficile voire impossible, a récemment déclaré Joey Lager, responsable des achats de Rubel & Ménasché.
L’introduction de cette solution de traçabilité repose sur d’importantes avancées scientifiques et technologiques et je suis convaincu de son impact transformateur pour l’ensemble de l’industrie».
Vuitton, de son côté, a dévoilé, en début d’année, à l’occasion du lancement de sa collection LV Diamonds, un dispositif qui associe une taille exclusive (la LV Monogram Star) et la délivrance d’un certificat digital utilisant la technologie développée par Aura Blockchain Consortium qui permet de suivre la pierre depuis son extraction jusqu’à la boutique.
Répondre aux besoins spécifiques de traçabilité des pierres de couleur
La filière est également confrontée aux problèmes de traçabilité des pierres de couleur, qui parcourt un long chemin, parfois opaque, de l’extraction à la bijouterie.
Investi de longue date sur la question, le joaillier suisse Gübelin a créé, au sein de son groupe, l’entreprise autonome Provenance Proof qui peut délivrer, à tout interlocuteur qui en fait la demande (compagnie minière, joaillier, entité gouvernementale), un traceur ADN synthétique à insérer directement dans la pierre sur le lieu d’extraction afin d’identifier la mine, l’entreprise, le pays ou l’année de production.
L’entreprise offre aussi, grâce à la technologie blockchain, la sécurisation de ces données dans un registre infalsifiable lancé en 2019 sous le nom Provenance Proof Blockchain : chaque opération sur le cheminement d’une pierre, de l’état brut à la pièce joaillière finie, y est enregistrée et peut être partagée en toute sécurité.
En février 2023, la société a intégré dans son Gem Lab un outil basé sur l’intelligence artificielle, baptisé Gemtintelligence, qui permet d’améliorer encore la précision des données fournies pour chaque pierre.
Pomellato a, de son côté, créé une application dédiée à la traçabilité de ses bijoux. Elle y rappelle son recours, depuis 2018, à de l’or issu de sources 100 % responsables et mentionne les origines des pierres utilisées pour ses bagues Nudo et Nuvola.
Les acheteurs ayant récemment acheté un bijou ont accès via un QR Code à toutes les informations liées à la traçabilité de leur achat. Ils peuvent notamment télécharger les certificats d’approvisionnement éthique délivrés par des organismes référents tels que le Responsible Jewellery Council, ou encore le label Fairmined garantissant un or éthique.
