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Blanches, dorées ou noires avec toute une palette de nuances, les perles occupent une place à part dans l’univers bijoutier et joaillier. Olivier Segura, gemmologue, directeur Asie Pacifique de l’École des arts joailliers, explique les atouts de cette gemme organique et revient sur sa longue histoire.
L’OFFICIEL HORLOGERIE & BIJOUTERIE : Parmi toutes les gemmes, vous avez une prédilection pour les perles. Pour quelles raisons ?

OLIVIER SEGURA : Leur matière est unique : il y a une sensualité extraordinaire dans les perles. Il faut toucher une perle pour le comprendre et l’apprécier. En plus ce sont des minéraux qui sont très beaux et présentent toute une diversité de couleurs.

Mais mon intérêt pour cette gemme est aussi d’ordre gemmologique car les perles sont des miracles, ou plutôt des anomalies, de la nature. Il s’agit d’un minéral qui est produit, moyennant une énergie folle, par un organisme vivant : ainsi des mollusques, animaux primaires dans la chaîne d’évolution, donnent naissance à de véritables merveilles.

Rappelons que, pour ces derniers, la production de nacre, matière première de la perle, est un moyen de protection contre des agressions extérieures. C’est un système de défense ! Il est d’ailleurs intéressant de noter que, pour l’homme aussi, la nacre peut être utile.

L’OHB : A quoi peut servir la nacre ?

O. SEGURA : Selon certaines théories, très plausibles, elle a joué un rôle important dans l’évolution humaine, en particulier dans sa sédentarisation. Dès l’âge de pierre, avant l’apparition du fer donc, dans la zone arabo-persique, l’homme a compris qu’il pouvait créer des outils avec de la nacre : des hameçons notamment.

Dès lors il n’avait plus besoin de se déplacer pour se nourrir : il pouvait pêcher et se sédentariser. Aujourd’hui encore, grâce ses propriétés, la nacre est utile à l’homme. Elle sert dans différents domaines : le médical pour fabriquer des prothèses et le militaire pour fabriquer des gilets par balles !

L’OHB : Quelle place ont occupée les perles dans l’histoire joaillière ?

O. SEGURA : La nacre existe depuis plus de 3 milliards d’années et les perles figurent parmi les premiers ornements dont l’homme s’est paré dès le néolithique. Elles n’ont par la suite jamais cessé d’être utilisées, quelles que soient l’époque et la civilisation.

Bien sûr, il y a eu des cycles plus ou moins porteurs. Ainsi les perles étaient en vogue au début de XXe et beaucoup moins à la fin. Mais aujourd’hui elles retrouvent les faveurs du public.

L’OHB : Quelle est actuellement leur place dans la création ?

O. SEGURA : Les nouvelles générations de designers s’intéressent à cette gemme et la remettent en avant dans leurs collections. Naturellement, on ne parle plus ici de perles fines, qui représentent un micromarché, mais de perles de culture.

L’OHB : Quelles sont les grandes catégories de perles de culture ?

O. SEGURA : On peut les classer en deux grands groupes. Tout d’abord il y a les perles d’eau de mer, les plus connues. Selon les espèces d’huîtres qui les produisent et selon les zones géographiques, elles affichent une gamme de couleurs très différentes qui va du noir, avec tout un tas de nuances (gris, aubergine, vert…), jusqu’au blanc en passant par le doré.

La deuxième catégorie concerne les perles d’eau douce qui sont produites par certains types de moules. Leur production est moins fragile, plus rapide et plus facile à contrôler que la production des perles d’eau de mer.

Comme ces dernières, les perles d’eau douce offrent aussi un large éventail de couleurs : blanc, violet, abricot… Dans les deux catégories, il y a d’ailleurs un travail de biologie et d’hybridation sur les espèces qui permet d’élargir la gamme de propositions.

L’OHB : Quelles sont les couleurs les plus prisées ?

O. SEGURA : Cela varie selon les cultures, les périodes, les pays… et les peaux. En France la perle noire, qui a un temps souffert de problèmes de qualité, revient aujourd’hui sur la scène joaillière. Mais les perles dorées et blanches sont aussi très appréciées.

L’OHB : Quels sont les principaux pays producteurs ?

O. SEGURA : Il y a, pour les perles blanches, le Japon ainsi que l’Australie ; pour les dorées les Philippines et la Birmanie ; pour les noires la Polynésie et Fidji. Enfin, pour les perles d’eau douce, il y a la Chine avec, ces dernières années, une belle amélioration en ce qui concerne la qualité.

L’OHB : On dit qu’une perle vit. Quels sont vos conseils pour la conserver au mieux ?

O. SEGURA : C’est vrai, on dit qu’elle est vivante car son aspect peut évoluer. Cette gemme est composée de cristaux d’aragonite (carbonate de calcium), de matières organiques et d’eau. J’en profite pour dire qu’elle ne contient pas de grain de sable comme on l’entend parfois !

C’est une matière très hydratée et les molécules d’eau ont un rôle crucial pour maintenir les liaisons entre tous ces éléments. Il est donc important que la perle ne se dessèche pas si on veut éviter qu’elle s’abîme. Attention également aux parfums qui peuvent l’altérer. Mais la faire vivre, c’est aussi la porter. C.N.