L’Inde, en particulier la région de Golconde, a longtemps été la seule source de diamants dans le monde. Exceptionnelles sur un plan historique, ces pierres le sont aussi sur un plan gemmologique. À l’occasion de la parution chez Skira du beau livre Diamants de Golconde, l’OHB a interrogé son auteur, la gemmologue Capucine Juncker.
L’OFFICIEL HORLOGERIE & BIJOUTERIE : Pourquoi un livre sur les diamants de Golconde ?
CAPUCINE JUNCKER : Au fil de mon parcours de gemmologue, conférencière et créatrice d’un site consacré au bijou(1), j’ai eu l’occasion de m’intéresser à des diamants qui appartenaient à des familles royales ou princières mais aussi aux traditions joaillières indiennes, du XVe siècle à nos jours. Chacune de ces histoires se caractérisait par un point commun : elle mettait en jeu des diamants de Golconde. Ces derniers me sont ainsi apparus comme un fil rouge majeur de l’histoire joaillière, non seulement en Inde, où se trouve Golconde, mais également dans le monde entier. Reconstituer ce fil rouge est devenu pour moi un projet de recherche.
L’OHB : Qu’est-ce qu’un diamant de Golconde ?
C. JUNCKER : Golconde est située dans une région centrale de l’Inde, nommée Deccan où se trouvaient des mines de diamants. Jusqu’à ce que l’on découvre des mines au Brésil vers 1725, les diamants venaient quasi exclusivement de cette région.
L’expression « Diamants de Golconde » renvoie donc à une définition géographique et historique et évoque des pierres anciennes. Mais une grande partie de ces diamants présentent aussi des propriétés gemmologiques particulières notamment une grande pureté atomique et une transparence optique exceptionnelle.
De telles pierres sont très rares… pour autant elles ne sont pas exclusives à Golconde. Reste que pour les désigner, on utilise volontiers l’expression « Diamant de Golconde »… même quand elles ne viennent pas d’Inde. Il y a donc une ambiguïté sur cette dénomination.
L’OHB : Quelle place ont occupé les diamants de Golconde dans l’histoire joaillière ?
C. JUNCKER : Elle est importante car jusqu’au XVIIIe siècle Golconde a été quasiment la seule source de diamants. Les cours indiennes, notamment mogholes entre le XVI et XVIIIe siècles, en ont fait la pierre royale par excellence.
Le développement des relations commerciales entre l’Occident et l’Inde et les péripéties de l’histoire ont également contribué à donner à ces gemmes une place prépondérante dans les bijoux royaux en Europe.
Bien des souverains européens ont convoité ces diamants pour leur valeur tant économique que politique, répliquant peut-être sans le savoir les hiérarchies établies par les souverains de l’Inde.
L’OHB : Quels sont les spécimens les plus extraordinaires ?
C. JUNCKER : En France, le Régent est le plus beau et le plus imposant avec ses 140,62 carats. C’est très certainement le diamant le plus représentatif de la royauté française. Il est aujourd’hui exposé au Musée du Louvre.
Parmi les autres spécimens remarquables, on peut aussi citer le Koh-i-Noor de 105,6 carats, tombé dans l’escarcelle britannique au milieu du XIXe siècle, ainsi que le Darya-ye-Nur, diamant rose pâle de 182 carats et pièce maîtresse de la collection des joyaux d’Iran.
Il y a aussi l’Orlov légèrement bleu-vert de 189 carats qui fut offert en 1772 à la Grande-Catherine par le comte Orlov et qui est conservé au Kremlin à Moscou… et bien sûr le Hope, diamant bleu de 45,52 carats, qui a appartenu à la Couronne de France, fut volé, retaillé, et se trouve désormais au Smithsonian Institute à Washington.
L’OHB : Que représentent aujourd’hui les diamants de Golconde ?
C. JUNCKER : Ils sont devenus mythiques. D’autant qu’il n’y a plus d’extraction depuis longtemps. Beaucoup sont aujourd’hui dans des musées mais on trouve parfois, de façon tout à fait exceptionnelle, d’anciens diamants de Golconde dans des créations contemporaines.
Je pense par exemple à une bague de JAR réalisée en 2019 avec un de ces diamant de couleur rose clair taille ancienne, monté en bague avec d’autres petits diamants de taille moderne.
C.N.