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Enquête sur les savoir-faire dans la filière Bijouterie-Joaillerie

Le cabinet Mazars a été mandaté par la DGCIS* pour étudier l’avenir des savoir-faire des filières du luxe. Huit secteurs, dont la Bijouterie-Joaillerie et l’Horlogerie, ont été observés. Interview de Fabien Seraidarian, Senior Manager chez Mazars et chercheur associé à l’École Polytechnique, co-responsable de l’étude.

L’Officiel Horlogerie & Bijouterie : Quelles préoccupations majeures sont ressorties chez vos interlocuteurs ?
Fabien Seraidarian :
La disparition de l’empathie, des solidarités professionnelles au profit de la seule rentabilité. Les donneurs d’ordre sont pour la plupart aujourd’hui des grands groupes. Leurs sous-traitants sont des artisans joailliers qui ont toujours maîtrisé totalement leur activité et sont attachés à leur savoir-faire traditionnel. Aujourd’hui, ils subissent la pression des groupes qui ont des exigences légitimes de réactivité, de volume, de qualité. Ils ont du mal à suivre. De plus, ils peuvent difficilement envisager leurs investissements futurs car ils manquent de visibilité sur l’ensemble de la chaîne de valeur et, de fait, ils travaillent trop sur le court terme.

L’OHB : Comment se profile l’avenir du secteur ?
F. Seraidarian :
Il faudra raisonner en « clusters » de compétences, regrouper l’ensemble de la chaîne de valeurs, comme les Italiens le font déjà, et envisager des diversifications d’activité. La société Grospiron est un modèle dans ce domaine.

L’OHB : Comment réagissent les fédérations ?
F. Seraidarian :
Il n’est pas facile de faire le grand écart avec les exigences des uns et des autres, les groupes d’un côté, les artisans de l’autre. L’UFBJOP s’en sort plutôt bien, en essayant en particulier de créer une filière de formation intégrant l’ensemble de la chaîne de valeur. Elle a une posture très opérationnelle. Mais dans le secteur horloger-joaillier, il manque encore une spécialisation de type IFM (Mode) qui offrirait une solide formation de gestionnaire.

L’OHB : Quel est l’apport du secteur privé à la formation ?
F. Seraidarian :
Les groupes ont tendance à préempter les jeunes talents, qui sont rares et très longs à « confirmer » (10 ans pour un sertisseur par exemple). C’est bien mais il y a un risque de « privatiser » le savoir-faire qui devrait appartenir au patrimoine national. Il ne faut pas que cette démarche étouffe la créativité. Posons-nous la question : Qui sera le Chanel de demain? La France doit continuer à faire la course en tête en termes d’innovation, en particulier face aux Chinois. Ils sont très créatifs, leur regard est plus libre, ils copient et réinventent vite nos savoir-faire. La créativité doit rester indépendante car l’innovation se fera aussi en-dehors des Maisons traditionnelles que nous connaissons.

Pour découvrir l’étude : Étude Mazars filières du luxe *Direction Générale de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services.

*Direction Générale de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services.