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Si le groupe Richemont et LVMH ont annoncé des chiffres exceptionnels, l’absence des touristes asiatiques en Europe continue de se faire cruellement sentir. Dans les boutiques des grandes Maisons de la place Vendôme, les clients ne se précipitent pas et la Samaritaine, tout juste rouverte aux frais d‘une rénovation titanesque qui aura duré plus de 10 ans, reste bien calme…

Les chiffres sont éloquents. En 2025, seul un client sur cinq sera européen ou américain et les Chinois représenteront 50 % du marché du luxe. Autant dire qu’en l’absence des touristes asiatiques, le luxe en France ne se porte pas très bien. Si les grands groupes tirent leur épingle du jeu grâce à leur réseau de boutiques en Asie, ce n’est pas le cas en Europe où, de plus, le luxe d’occasion suscite l’engouement. Soucieuses de ce virage, les marques et les Maisons se recentrent sur la clientèle locale avec des collections plus simples, plus légères, moins empierrées, plus abordables.

Un nouvel angle marketing

Ces nouveaux bijoux n’ont rien perdu de leur désirabilité et de leur élégance, bien au contraire. Ils s’adaptent aux goûts des Européennes, passées depuis plusieurs années aux bijoux plus fins qui n’excluent pas la sophistication. Pour elles, Chaumet a redessiné la ligne Bee my Love, en or serti de diamants taille Impératrice (88 facettes), une taille inédite de forme octogonale épousant celle de l’alvéole typique de cette collection.

Pomellato lance les modèles Brera, de fines résilles d’or mobiles à la sensualité très féminine. Plus récemment, les bagues Iconica, connues et appréciées pour leur bon poids d’or, ont subi une petite cure d’amaigrissement avec une nouvelle ligne sensiblement moins chère, composée de double-anneaux dont un seul est serti.

Akillis a créé Capture-Light, une nouvelle ligne empruntée au graphisme rock de Capture-Moi, plus affinée mais qui ne perd rien de son mordant.

Mellerio est sans conteste celui qui va le plus loin avec la collection Les Muses, dont le premier prix est un petit charm à 260 € que l’on accroche à une créole.

Mise en avant des matières non minérales

Côté matières, l’Italien Vhernier choisit le titane noir et présente une nouvelle offre ultralégère à partir de 1000 €. Marie-Hélène de Taillac, connue pour ses bijoux d’inspiration indienne très empierrés, a choisi de remplacer ses belles gemmes par de l’émail pour offrir des bijoux plus abordables tout en gardant ce bel arc-en-ciel de couleurs qui signe toutes ses créations. Les pierres dures, moins chères que les pierres fines, ont aussi trouvé leurs adeptes dans d’autres marques.

Montée en gamme versus accessibilité

Depuis quelque temps déjà, Tiffany a pris le parti de monter en gamme. Exit les nombreux modèles en argent à prix access. Le joaillier américain entend bien rappeler qu’il a une belle histoire de créativité joaillière et qu’il lance chaque année la merveilleuse collection de haute joaillerie Blue Book, si mal connue du public européen. Les modèles se recentrent sur l’or mais avec pragmatisme. Ainsi, la dernière collection en date, Tiffany Knot, propose un prix d’entrée légèrement supérieur à 1000 € et les Beans reviennent avec des versions or très accessibles. Fred a décliné une ligne mini de sa collection Pretty Woman.

Parallèlement, la marque de la rue de la Paix a racheté le diamant Soleil d’Or de 101,57 carats qu’elle avait vendu il y a 40 ans. Une belle opération d’image après le lancement de la collection Pretty Woman l’an dernier qui lui avait déjà redonné une jolie lumière. Faire découvrir la joaillerie Si Van Cleef & Arpels a pris part à cette nouvelle offre en lançant une mini-version de son modèle iconique Frivole, il a choisi une autre façon de se rapprocher de son public français en organisant à Lyon, en décembre dernier, des ateliers et des rencontres avec des artisans joailliers. Cet esprit d’ouverture n’est pas nouveau pour la Maison qui a fondé en 2012 l’École des Arts Joailliers, lieu d’apprentissage et de découverte de l’univers joaillier, ouvert à tous. Pas d’opportunisme donc, plutôt une philosophie.

Un risque d’image ?

Les marques courent-elles un risque avec ces nouveaux bijoux plus accessibles ? Pas vraiment. Tout d’abord parce que leur histoire est traversée de périodes où les créations ont dû se diversifier et s’ajuster au contexte. Ensuite, les bijoux plus accessibles ont toujours été présents dans leur offre. Plus important, elles racontent toujours de belles histoires autour de ces nouveaux bijoux qui restent liés à leur héritage spirituel et à leur patrimoine. Et le rêve est merveilleusement entretenu par les collections de haute joaillerie – elles n’ont jamais connu la crise – créées par ces mêmes Maisons qui dessinent des bijoux plus accessibles. Enfin, les clientes françaises, qui ont le sentiment d’avoir été un peu délaissées, sont sans doute heureuses que les marques de luxe s’occupent enfin un peu plus d’elles. Car le vrai risque est sans doute là : une marque de luxe qui se coupe de sa clientèle nationale et affiche des prix qui ont perdu tout repère peut-elle rester crédible à terme ? I.H.

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