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Vincent Dionisi, horloger diplômé, a deux boutiques à 50 mètres l’une de l’autre en centre ville d’Agde, une bijouterie traditionnelle et une de fantaisie haut de gamme. Leurs belles vitrines attirent les clients mais à l’intérieur notre bijoutier a le blues. Car être bijoutier en centre ville s’apparente plus aujourd’hui à un combat quotidien qu‘à l’histoire d’une passion pour un métier. Récit.

L’Officiel Horlogerie & Bijouterie : Vous faites de la vente et de la réparation et vous êtes seul pour tenir votre bijouterie, ça fait beaucoup pour un seul homme, pourquoi ne pas embaucher ?
Vincent Dionisi :
Parce que je fais un chiffre d’affaires suffisant pour vivre correctement mais insuffisant pour embaucher. Il est vrai qu’une personne supplémentaire générerait plus de trafic sur la boutique, mais cette théorie n’est plus valable aujourd’hui. Notre manière de travailler a changé, l’activité est trop irrégulière et saisonnière. Avec l’inflation récente et régulière des matières premières, la trésorerie est trop tendue. Alors, seul, je manque des ventes, parce que je n’ai pas le temps de mieux travailler mes clients, pas le temps de faire des devis, pas le temps d’effectuer certaines réparations que j’envoie en soustraitance… En temps normal, je prendrais le risque d’embaucher, mais pas maintenant, ni en restant dans cette rue qui est devenue plus propice à des activités artisanales que strictement commerciales.

L’OHB : Comment voyez-vous l’évolution du petit détaillant en centreville ?
V. Dionisi :
Au niveau de la profession, je pense que les grandes enseignes seront dans les centres commerciaux et en centre ville, ce sont les bijouteries haut de gamme qui vont récupérer les grandes marques. Les petits bijoutiers ne pouvant plus les conserver. Pour exemple, je distribue Calvin Klein depuis 6 ans et suis en progression constante de CA sur la marque et pourtant je vais la perdre car je ne rentre plus dans leurs critères d’attribution. De même j’aurais aimé prendre une autre marque horlogère à forte notoriété, mais on est contraint d’en prendre plusieurs à la fois. Or vu le coût d’implantation de chacune, c’est impossible pour moi. Je vais donc perdre du chiffre d’affaires.

L’OHB : Face à ces difficultés, quelle vision avez-vous de votre avenir ?
V. Dionisi :
Les solutions ne sont pas évidentes. Je pourrais réinvestir là où est le marché, prendre une surface plus importante dans le nouveau centreville d’Agde. Mais une bijouterie est un commerce qui nécessite un certain investissement financier. Même à 1€ le fonds, il faut de toute façon 200 000 € à 300 000 € de stock. Donc je vais fermer en fin d’année. C’est dommage, car j’ai toujours l’envie de faire ce métier où lorsqu’un client entre dans votre boutique, il ne dit jamais « j’ai besoin de » mais « j’ai envie de ». Faire rêver les gens, n’est-ce pas un des plus beaux côtés de ce métier.