Présentée à l’automne dernier, l’étude du Comité Colbert sur la perception du luxe français souligne que, si la France reste un symbole du luxe, l’attitude et les attentes des clients ont changé.
Perception et comportements modifiés
L’étude a été menée par l’IFOP sur les principaux marchés du luxe, France, États-Unis et Chine. La politique restrictive des voyages et des échanges, la conscience que notre santé et notre planète sont en danger ont modifié les habitudes d’achat, fait bouger les lignes et modifié le regard sur le luxe des consommateurs.
Le luxe est-il toujours aussi désirable en 2021 ?
Sans conteste oui, la crise a amplifié partout le désir de luxe. 60 % des Américains et 51 % des Chinois déclarent avoir plus envie d’acheter des produits de luxe, une compensation plaisir (revenge buying) dans une période fortement anxiogène. Pour preuve, le luxe a connu un rebond rapide en 2021, comme ce fut toujours le cas après les grandes crises, précise Stéphane Truchi, président de l’IFOP. La nouvelle donne, c’est l’accélération digitale et l’achat local plutôt qu’international, les voyages étant soumis à de fortes restrictions.
Toutefois, l’achat de produits de luxe à l’étranger ne perdra pas de son lustre. Acheter à Paris plutôt qu’à Pékin reste un élément de prestige personnel, photos diffusées sur les réseaux sociaux à l’appui.
L’achat-revente au-delà du plaisir
Une autre tendance : le luxe valeur refuge. En moyenne, 85 % des interviewés estiment qu’un produit de luxe est un bon investissement à long terme. Ce chiffre monte à 88% aux USA (buyer-reseller) et à 90% en Chine. Cette perception est inhérente à la qualité perçue des produits de luxe, or 84 % des personnes interrogées, dans les 3 pays, considèrent que le Made in France est une valeur sûre (90 % en Chine). Son corollaire est l’achat d’occasion, qui grimpe en flèche (voir notre article sur Collector Square dans le numéro de Novembre 2021). Les marques devront intégrer cette tendance lourde dans leur écosystème de vente, de formation retail et de distribution.
Pourquoi le marché de l’occasion se développe-t-il ?
Parmi les tendances fortes, le marché de l’occasion est au croisement de plusieurs aspirations : la volonté d’investissement, l’envie de renouveler son look lié aux publications frénétiques sur les réseaux sociaux, le souhait de prolonger la vie de l’objet, de lutter contre le gaspillage mais aussi de transmettre et valoriser des savoir-faire précieux. Vu du côté des marques, l’occasion est aussi une chance à saisir, une façon d’amener, de sensibiliser et d’éduquer de nouveaux clients au luxe.
L’exigence d’exemplarité
Autre tendance, l’éthique est devenue un prérequis incontournable qui « raccrochera » toutes les valeurs positives des marques dans l’esprit du consommateur. L’exemplarité dans la responsabilité environnementale est primordiale pour 93 % des Chinois (85 % sur le total des 3 pays). Stéphane Truchi souligne que même en Chine, pays pourtant gros pollueur, la toxicité est perçue comme un danger majeur. Le « discours de la preuve » est indissociable de l’efficacité des actions et celles-ci doivent être en cohérence totale avec le comportement des marques. Il n’y a aucune place pour le green washing.
La joaillerie plébiscitée
La France n’a rien perdu de son attractivité. Pour les Chinois et les Français, elle arrive en tête des «_pays qui représentent le mieux le luxe ». Pour les Américains, elle arrive en n°2 derrière les USA, dont les marques de luxe nationales sont plus en adéquation avec leur style de vie. Dans les 3 marchés, plus de 80 % des interviewés ont déjà acheté des produits de luxe français, et près de la moitié le font régulièrement. Sur les 17 catégories de produits associés à la France, la joaillerie arrive toujours dans les 3 premières, derrière la mode et les parfums.
Le luxe est-il créatif ?
Parmi les termes fortement attachés au luxe français, l’élégance arrive en tête en France et aux USA, en 2ème place en Chine derrière le romantisme. Si l’excellence arrive en 2ème position en France et aux USA, elle n’est que 6ème en Chine, montrant que le luxe français est plutôt rattaché à une notion d’art de vivre pour les Chinois. Toutefois, la créativité est plébiscitée sur ce marché (4ème position) alors qu’elle n’arrive qu’en 6ème et 7ème positions respectivement en France et aux USA où l’élégance, le prestige et la tradition ont une perception supérieure. Les Maisons françaises doivent-elles s’attacher à mettre mieux en valeur leur créativité ? Pour conclure, rappelons que l’île de Hainan, paradis du luxe hors taxe en Chine, a déclaré que 2022 serait l’année de la France. S’il fallait une preuve… I.H.
www.ifop.com/publication/le-luxe-francais-une-valeur-sure-dans-le-monde-qui-vient/