Les vrais horlogers aimeraient un peu plus de reconnaissance par les marques Il y a 30 ans, à Aubenas, toutes les grandes marques horlogères étaient représentées : Jaeger- Lecoultre, Oméga, puis Rolex, Tag-Heuer, Breitling, Zenith, Hermès, Cartier, Longines. Aujourd’hui il ne reste que Tissot. Les horlogers, dépositaires de la marque ou horlogers « en chambre », pouvaient commander les fournitures pour remettre ces montres en état. Aujourd’hui, tout cela n’est plus possible. Pourquoi ? Interview de ROBERT Frédéric, horloger diplômé.
Robert Frédéric : Aujourd’hui, elles ont des systèmes de vente exclusifs impossible à contourner et nous ne pouvons plus vendre ces belles montres que pourtant nous présentons à nos clients. Certaines personnes acceptent d’aller dans une grande ville pour y avoir accès, mais la majorité ne donne pas suite. Il en va de même pour toutes ces montres vendues il y a longtemps dans notre ville et qui ont aujourd’hui besoin d’être remises en état. Si cela ne nécessite pas de fournitures, nous pouvons le faire, mais dès qu’il faut commander une pièce, commence alors un chemin de croix. Aujourd’hui, on ne fait plus de distinguo entre un horloger diplômé et un « marchand de montres ». Que ce soit en matière de vente ou de réparation, nous n’existons plus pour ces marques.
L’OHB : Il est vrai qu’en matière de réparation, nombre de grandes marques ont créé leur propre SAV avec des horlogers formés par celles-ci.
R. Frédéric : Oui et c’est très bien, d’abord pour les dépositaires de ces marques qui n’ont souvent pas d’atelier et ne veulent pas gérer les problèmes techniques, ensuite pour des mécanismes complexes pour lesquels nous ne sommes pas formés, ne serait-ce que parce que nous ne possédons pas l’outillage hyper spécialisé nécessaire, même pour faire une étanchéité. Mais de là, à ne pas pouvoir se faire envoyer une couronne, un verre ou une lunette pour une montre classique vendue il y a 20 ans et que nous révisons régulièrement, il y a un gros écart. Nous sommes quand même des professionnels ! De plus, le client n’est pas forcément content quand on l’adresse vers ces services de SAV dont les coûts sont très supérieurs aux nôtres. Plus d’un client m’a dit : « ou vous me la réparez, ou je la mets au rebut ».
L’OHB : Voilà une situation où tout le monde est perdant. Quels changements souhaiteriez-vous ?
R. Frédéric : Un minimum de reconnaissance par ces grandes marques pour le travail de conseil que nous apportons à nos clients. Il m’est arrivé de devoir tenir tête à un client pour qu’il accepte de confier sa montre au SAV d’une grande marque, sachant que je n’en retirerai aucune compensation financière ni même la reconnaissance de la marque pour mon travail en amont ! Aujourd’hui, je passe une heure de « bavardage-conseil » avec un client, lui expliquant les différences entre telle ou telle marque sans, au final, réaliser la vente, je ne gagne rien ! C’est un peu démoralisant. Je finis par me poser des questions. Quelle image devons-nous donner de notre métier ? Dois-je continuer à parler avec passion de ces grandes marques ? Ou me contenter de dire à mon client qu’il n’a aucun intérêt à mettre un tel prix dans une montre mécanique de marque qui, en fin de compte, va lui revenir très cher en entretien et lui donnera l’heure avec moins de précision qu’une bonne montre à quartz …. et faire la vente !
L’OHB : Concrètement, comment verriez- vous l’évolution des relations ?
R. Frédéric : Je pense que les grandes marques devraient soigner un peu plus les vrais horlogers, qui travaillent à les mettre en valeur. Il ne faut pas oublier que le client, même si il a acheté une montre chez un dépositaire dans une grande ville, va le plus souvent demander conseil à son horloger lorsqu’il a un problème. Il m’est arrivé de contacter par courriel une marque pour un renseignement sur le prix d’une pièce (bracelet) et ils n’ont même pas daigné répondre… Le client n’a pas apprécié ! Il m’a acheté une autre montre.