D’un beau vert lumineux empreint de zonations plus ou moins foncées, la malachite est une gemme qui a paré la femme de longue date et qui revient en force dans la création joaillière. Gemmologue expert, docteure en histoire de l’art et professeure à l’ING, Valérie Goupil dévoile le parcours et les atouts de cette gemme.
L’OFFICIEL HORLOGERIE & BIJOUTERIE : Pourquoi avoir choisi de nous présenter la malachite ?

VALERIE GOUPIL : Les pierres dures m’intéressent beaucoup et, parmi celles-ci, la malachite a une couleur particulièrement inspirante. D’un vert vif et lumineux avec des variations concentriques plus foncées ou plus claires, elle a été utilisée au fil du temps de multiples façons, non seulement en bijouterie et en décoration mais aussi en peinture et même en cosmétique…

C’est une pierre qui mérite d’être reconnue et appréciée.

L’OHB : Plus précisément, quels sont les spécificités et les atouts de cette gemme ?

V. GOUPIL : C’est un carbonate de cuivre hydraté qui pseudomorphose l’azurite. Par des phénomènes complexes, l’azurite qui est bleu se transforme en malachite verte. Il y a d’ailleurs des pierres incroyables où les deux, azurite et malachite, sont associés : ces spécimens ressemblent à une mappemonde avec du bleu pour la mer et du vert pour la terre.

Mais si l’on revient à la malachite seule, elle a pour atouts : sa couleur, son très beau et très soyeux poli… et son prix abordable comparé à d’autres pierres vertes comme le jade jadéite ! Enfin, pour les lapidaires et les joailliers, c’est une pierre facile à travailler bien que fragile du fait de sa faible dureté, entre 3,5 et 4 sur l’échelle de Mohs.

L’OHB : Quelle est l’histoire de cette pierre ?

V. GOUPIL : Les premières utilisations connues de la malachite datent de l’Antiquité. 6 000 ans avant JC, les Egyptiens la broyaient afin d’en faire des fards à paupières pour les femmes ! Elle a aussi sans doute été un peu utilisée en bijouterie, mais de façon marginale.

Par la suite elle a servi à créer des pigments pour les peintres et cela jusqu’au XVIIIe siècle. Entre temps, à la Renaissance, elle s’est imposée dans les arts décoratifs, notamment dans le domaine de la marqueterie. En témoigne de magnifiques tables marquetées.

Au XVIIIe en Russie, on a découvert, dans l’Oural, d’importants gisements qui ont également permis de produire de superbes et volumineux objets de décoration (vases, pilastres…) mais aussi d’orner des pièces de palais en utilisant la malachite sous forme de placage.

L’OHB : Comment cette pierre a-t-elle été utilisée en bijouterie-joaillerie ?

V. GOUPIL : En France, c’est au XIXe, sous l’Empire, qu’elle a commencé à être vraiment prisée dans ce domaine, en particulier pour des camées. Elle était alors associée à l’or, ce qui la mettait merveilleusement en valeur.

En témoigne une parure fameuse, dite de Joséphine, réalisée par les joailliers Marie-Etienne et François Nitot, avec des camées en malachite, des perles fines et de l’or jaune. Au XX°, la malachite a aussi été très appréciée durant la période Art Déco. Ainsi chez Boucheron par exemple où elle était souvent associée à l’onyx, l’ivoire et les diamants.

Puis on la retrouve à nouveau, à partir des années 60-70, chez de grands joailliers, à commencer par Chaumet puis Van Cleef & Arpels avec sa collection Alhambra ou encore Boucheron avec sa collection Serpent.

L’OHB : Quelle est sa place aujourd’hui sur le marché HBJO ?

V. GOUPIL : Elle agrémente de nombreux bijoux fantaisie car c’est une pierre peu onéreuse. Mais, depuis 2018, elle opère un retour en force en haute joaillerie, souvent taillée en boules, cabochons, plaques… mais aussi en horlogerie où elle est utilisée pour les cadrans de montres tant féminines que masculines.

L’OHB : Quels sont les critères de qualité d’une belle malachite ?

V. GOUPIL : Les plus recherchées sont les pierres avec de belles zonations à la fois contrastées et régulières.

L’OHB : Y a-t-il beaucoup de risques de tomber sur une fausse malachite ?

V. GOUPIL : Bien moins qu’avec les turquoises par exemple. Mais il existe quand même des imitations fabriquées à partir de plastique. Et on trouve, depuis les années 80, des malachites de synthèse crées par les Russes.

L’OHB : Quels sont les principaux pays producteurs ?

V. GOUPIL : La malachite, rappelons le, est un minéral résultant de l’altération de minerais de cuivre. On la trouve donc généralement dans les parties oxydées de gisement de cuivre. Durant l’Antiquité, elle provenait de Chypre et du désert arabique. Au XVIe siècle les Européens ont découvert de la malachite en Amérique latine.

Et aujourd’hui les principaux pays producteurs sont la Russie et en particulier l’Oural, la République démographique du Congo, la Zambie, l’Australie ainsi que les Etats-Unis en particulier l’Arizona.

L’OHB : Quels sont vos conseils pour bien entretenir des bijoux en malachite ?

V. GOUPIL : Nous l’avons dit, c’est une pierre fragile qu’il faut protéger es chocs. C’est aussi une pierre très sensible aux acides… il faut donc éviter, dans la vie de tous les jours, de la mettre en contact avec des produits comme la vinaigrette ou le citron ! Enfin il peut être intéressant à certains moments de la repolir, pour lui redonner de l’éclat.

C.N.