Dans une étude récemment parue, le cabinet Deloitte tire plusieurs enseignements des difficultés de l’industrie horlogère suisse. Malgré les perspectives compliquées, le secteur ne sombre pas dans l’immobilisme, accorde la priorité aux stratégies omnicanal, explore le marché de l’occasion et adopte des méthodes de production plus durables et plus éthiques.
Le marché d’entrée de gamme souffre plus que le haut de gamme
85 % des cadres de l’industrie horlogère interrogés dans le cadre de l’étude Deloitte anticipent des perspectives sombres pour le secteur. Durement frappée par le Covid-19, et devant l’incertitude quant à l’avenir proche, l’économie horlogère suisse a vu chuter ses exportations, en particulier dans le secteur entrée de gamme. Les montres à quartz, en difficulté depuis 2012, sont les premières victimes de ce revers. Les interruptions de production en Chine ont révélé les lacunes de la chaîne d’approvisionnement et des stocks de certains producteurs, ce qui pourrait suggérer une relocalisation de la fabrication en Suisse.
Les expériences en boutique sont essentielles au parcours du client
Plus de 70 % des cadres de l’industrie horlogère suisse pensent que les boutiques physiques resteront prédominantes par rapport au digital mais il ne faut pas négliger pour autant les canaux numériques. Selon Deloitte Suisse, « pour une industrie qui repose principalement sur le lien émotionnel qui se crée lorsque l’on voit et manipule des montres de luxe, à l’avenir, le défi sera de réussir à combiner le physique et le numérique pour donner ce que l’on pourrait appeler des expériences “phygitales“.»
Parmi les canaux marketing les plus influents sur les décisions d’achat de montres, les publicités dans la presse restent les plus efficaces en Suisse et en Allemagne, alors qu’en France, en Chine et au Royaume-Uni, ce sont les événements en boutique qui ont le plus fort impact. La radio et la télévision sont des outils de communication importants dans de nombreux pays, d’où l’importance de bien maîtriser les différents canaux marketing.
La popularité des montres connectées est sous-estimée
Les cadres de cette industrie (à plus de 60 %) admettent que le secteur a sous-estimé l’intérêt et le succès des montres connectées, avec 34 % d’entre eux qui les considèrent comme une menace, alors qu’ils n’étaient que 14 % en 2017. Cependant, ce type de montres ne semble pas détrôner le segment classique haut de gamme mais plutôt apparaître comme une deuxième montre, attirant de plus en plus la génération Y. A ce jour, les montres mécaniques de luxe ont encore un bel avenir.
Le marché de l’occasion progresse
Les marques de luxe ont longtemps évité le second marché mais récemment, de belles marques et de grands groupes ont commencé à se tourner vers ce segment à fort potentiel. Une personne interrogée sur cinq déclare être susceptible d’acheter une montre de luxe de seconde main au cours de l’année à venir, une tendance favorisée par le e-commerce. Selon Deloitte Suisse « l’objectif des marques et des groupes qui intègrent l’espace de l’occasion est double : prendre une part de ce marché en croissance pour contrer les effets cycliques du secteur et favoriser la croissance des ventes de nouvelles montres par le biais de programmes de reprise. »
Les incertitudes géopolitiques ont un impact négatif sur l’industrie horlogère suisse
Le secteur n’affronte pas seulement la pandémie actuelle. En 2019, les manifestations à Hong Kong ont dégradé les résultats. Selon la majorité (54 %) des cadres interrogés, des facteurs externes comme les incertitudes politiques internationales auront un impact sur l’industrie horlogère suisse. La baisse de la demande nationale et étrangère ainsi que l’appréciation du franc suisse continuent de peser sur le secteur. Les risques liés à la hausse du cours de l’or et la pénurie de main-d’œuvre qualifiée ont également beaucoup augmenté depuis la dernière étude publiée par le cabinet Deloitte. S’agissant de la croissance, la Chine est le principal levier du secteur, suivi des États-Unis. Les meilleures perspectives de vente sont dans le haut de gamme. Les montres mécaniques de luxe ont en effet joué un rôle moteur dans la reprise estivale en Chine et cette tendance devrait se poursuivre.
L’orientation vers l’éthique est durable
Près de 90 % des cadres interrogés estiment que la durabilité est un thème important pour l’industrie horlogère suisse. Celle-ci suscite une véritable prise de conscience au sein de l’ensemble de la chaîne de valeur. Si la moitié des sondés communiquent activement sur leurs initiatives environnementales, moins d’un tiers publie un rapport sur la durabilité alors que les médias, au contraire, sont en attente d’une plus grande transparence. Selon l’étude, plus de 50 % des consommateurs en moyenne déclarent tenir compte de la durabilité lorsqu’ils achètent une montre. I.H.
Pour consulter l’étude complète :
www2.deloitte.com/ch/fr.html