Pierre Greffe, avocat spécialisé dans la propriété intellectuelle, est l’auteur de nombreux articles et livres sur la protection industrielle. Son dernier ouvrage, « Traité sur les dessins des modèles », est paru en 2014. Il connaît bien le secteur HBJO. L’OFFICIEL l’a rencontré sur le salon Bijorhca.
Pierre Greffe : Je suis avocat depuis 20 ans, spécialisé dans la propriété industrielle (modèles, marques et brevets) et le droit de la concurrence. Le cabinet existe depuis 1923. L’équipe se compose de 5 avocats et d’une juriste, et nous sommes conseil pour la BJOP et la BOCI. Nous avons donc une expérience dans le secteur de la bijouterie notamment, mais nous couvrons d’autres domaines de l’industrie.
L’OHB : À qui s’adresser pour protéger sa création ?
P. Greffe : Il faut s’adresser à l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) pour connaître les démarches. Il existe deux lois essentielles. La première est la loi sur les droits d’auteur qui ne protège pas seulement « l’oeuvre pure », l’oeuvre unique, comme un tableau ou un objet d’art par exemple, mais également l’art appliqué à l’industrie et notamment le secteur de la mode et des accessoires tels que les bijoux. La seconde est la loi sur les dessins et modèles, établie à l’origine à la demande des soyeux de Lyon dès 1806 et qui vise la protection des modèles en série.
L’OHB : Quels sont les choix qui s’offrent au bijoutier-joaillier ?
P. Greffe : Il existe plusieurs façons de protéger sa création en France. Prenons l’exemple d’un bijoutier-joaillier qui souhaite protéger ses créations. Il peut choisir de déposer les modèles une fois par an. Cela lui coûtera 50 euros par modèle déposé, il est protégé pendant 25 ans et doit renouveler sa demande tous les 5 ans. Il existe le « dépôt simplifié ». Le bijoutier peut déposer 100 modèles pour 50 euros également et décider quelques mois plus tard quels sont ceux qu’il souhaite confirmer en fonction du succès commercial. Il peut aussi choisir
l’« enveloppe Soleau » dans laquelle il dépose plusieurs modèles pour un coût de 15 à 20 euros seulement. L’enveloppe est scellée et ne sera ouverte qu’en cas de litige. Même idée pour l’« envoi à soi-même » où une enveloppe fermée est envoyée à soi-même, le cachet de la poste faisant foi pour établir une date certaine.
L’OHB : Qu’en est-il de la protection sur les autres marchés ?
P. Greffe : Le dépôt n’est pas obligatoire. Ce qui est indispensable, c’est la preuve de l’antériorité. La Cour de Paris protège largement les créations comme les bijoux et les montres. Pour l’Europe, il faut passer par l’OHMI, basé à Alicante en Espagne. L’OHMI va procéder à un dépôt communautaire, qui concerne les pays de l’Union Européenne. Pour l’international hors Europe, il faut déposer les modèles auprès de l’OMPI, on choisit alors les pays où l’on veut être protégé.
L’OHB : La contrefaçon concerne souvent des pays étrangers, en Asie par exemple. Votre cabinet peut-il répondre à ces demandes ?
P. Greffe : Bien sûr, nous avons des accords de collaboration à l’étranger, en particulier en Asie où cela est indispensable, effectivement. Mais également en Italie, en Allemagne, et plus généralement dans tous les pays d’Europe.
L’OHB : Les marques chinoises sont de plus en plus nombreuses et elles-mêmes, à leur tour, exposées à la contrefaçon dans leur propre pays. Cela influence-t-il les lois chinoises de protection de la propriété industrielle ?
P. Greffe : Oui, certainement. De plus, il y a en Chine des avocats tout à fait efficaces contre la contrefaçon et qui obtiennent des résultats. C’est avec eux que nous travaillons.
L’OHB : Comment apprécie-t-on la réalité de la contrefaçon ?
P. Greffe : Il faut avant tout prouver l’antériorité de la création, d’où l’importance de déposer le modèle sous forme de dessins ou de photos, présentant idéalement le bijou sous plusieurs angles. Ensuite, la contrefaçon s’apprécie par les ressemblances plus que par les différences. L’idée, le genre et le style ne sont pas protégeables. C’est la mise en forme de l’idée qui peut l’être.
L’OHB : En cas de litige, quel est le tribunal compétent ?
P. Greffe : Ce sont les TGI (Tribunal de Grande Instance). Il y en a 10 en France, dans les villes principales. Une procédure est considérée comme « rapide » si elle dure 1 an à 1 an et demi. D’où l’intérêt de prendre conseil auprès d’un avocat qui peut éviter une procédure longue et coûteuse. Il existe souvent des solutions rapides et peu onéreuses qui permettent d’éviter de passer par le tribunal.
L’OHB : En résumé, quel message aimeriez-vous faire passer aux bijoutiers ?
P. Greffe : La protection des modèles est souvent plus simple qu’ils ne le pensent. Les démarches ne sont pas compliquées, peu coûteuses et ce petit investissement peut leur permettre de gagner beaucoup au final. Donc si nous devons passer un message, c’est qu’il est très important de se réserver la preuve de sa création pour démontrer son antériorité et
cela ne présente pas de difficulté
particulière.
Note OHB : Le 12 octobre dernier, le Cercle du Luxe et l’Unifab organisaient une conférence-débat sur le thème : « Comment protéger la création ? »
Pierre Greffe, Avocat à la Cour
www.cabinet-greffe.com
contact@cabinet-greffe.com
Tél : 01 45 00 41 03