Symbole d’excellence à travers le monde, le titre de « meilleur ouvrier de France » met en lumière ses lauréats et, dans certains métiers leur attire un vrai succès commercial. Mais qu’en est-il dans les métiers discrets comme l’horlogerie ?
De l’esprit Meilleur Ouvrier de France
À l’origine de ce concours, un critique d’art et journaliste, Lucien Klotz (1876-1946). Cet ardent défenseur de la création souhaitait déjà, en 1913, « redorer le blason du travail manuel et recréer l’émulation et l’engouement pour l’apprentissage des métiers d’art chez les artisans de l’excellence ». L’idée a trouvé son chemin, et le concours actuel intitulé, « Un des Meilleurs Ouvriers de France » ne récompense pas seulement Le meilleur ouvrier mais tout candidat qui ayant franchi l’épreuve qualificative, obtient une note égale ou supérieure à 18/20 à l’épreuve finale : la création d’une pièce identique. Ainsi en 2015, dans la classe Horlogerie, sur les 9 candidats admis, 7 ont présenté une montre, et trois d’entre eux ont reçu le titre « Un des Meilleurs Ouvriers de France » :
– Jean-Marie Bouquin, salarié chez Vacheron-Constantin en Suisse.
– Luc Monnet, horloger-prototypiste en Lozère.
– Jean Darricarrère, artisan restaurateur à Bayonne.
Être M.O.F. en horlogerie
Dans les métiers de bouche, les avantages à porter le col tricolore par les lauréats sont évidents. Il atteste de leur excellence et crée une renommée qui attire la clientèle. Le succès commercial peut dans ce cas être une part importante de la motivation à participer. En horlogerie, l’horloger qui travaille en atelier n’a que peu de retombées commerciales et d’ailleurs, aucun des lauréats interrogés ne porte ce col. Connaissant la somme d’efforts pour préparer ce concours, nous nous sommes interrogés sur les ressorts de leur motivation à concourir. Questionnés, nos trois candidats ont certes, souligné la nécessité d’un engagement personnel sans faille, du soutien indéfectible de leur famille, des heures de travail, devenues innombrables, des belles rencontres et de liens qui se sont noués. Des retombées commerciales ? « Très peu mais ce n’est pas l’important ». Mais alors, qu’est-ce qui motive l’horloger à être candidat ?
Jean-Marie Bouquin parle d’un « beau challenge ». Déjà reconnu dans son métier, tenter ce concours comportait plus de risques que de bienfaits potentiels. Il serait un peu discrédité, en cas d’échec, et juste confirmé dans son niveau s’il réussissait son pari.
Luc Monnet, évoque aussi de « défi personnel, de se remettre au pied du mur, d’une aventure qui avait du sens ». Étant précédemment salarié de différentes manufactures Suisses où il disposait de machines performantes, il voulait savoir, s’il était encore capable de créer une belle montre de ses mains avec un outillage traditionnel.
Pour Jean Darricarrère, ce concours était le Graal, la preuve d’une reconnaissance par ses pairs. Et pour une fois, il ne serait pas « le contrôle qualité » de son propre travail.
Enfin, Thierry Ducret, responsable de la classe Horlogerie au concours, et lauréat MOF 2007, en conserve un souvenir très heureux. « C’est le seul moment où on ne travaille que pour soi, on est en compétition plus avec soi qu’avec d’autres candidats. On touche à toutes les facettes du métier. On ne voit pas le temps passer ».
Un défi personnel
Devenir Meilleur Ouvrier de France est une aventure humaine qui pousse la plupart des lauréats à se dépasser pour intégrer au quotidien, l’excellence professionnelle au cœur de leur travail. En horlogerie, le métier est déjà très exigeant au quotidien, et requiert précision, méticulosité, curiosité, créativité, la mesure du temps ne tolère pas l’à-peu-près. D’ailleurs, c’est connu, au travail, l’horloger ne voit pas le temps passer ! Alors, décrocher le titre « Un des meilleurs ouvriers de France » en horlogerie est surtout un défi personnel, une étape sur la route de l’excellence, plus que la recherche d’un titre qui attire la lumière du grand public. Et pour les horlogers, ce label de qualité décerné par leurs pairs, est toujours aussi recherché. M.T.