Page 60 - num 53 _ mars-avril 2019
P. 60

Décryptage









             Montagne d’or en Guyane :


             l’exploitation industrielle remise en question



             Implanté à 125 kilomètres de Saint-Laurent-en-Maroni en
             Guyane française, au cœur de la forêt amazonienne, ce
             projet pharaonique réunit contre lui défenseurs des droits de

             l’Homme et de l’environnement.

                                                              de taxes et d’impôts et 3 milliards d’euros de retombées
                                                              économiques directes et induites, tant pour le territoire que
                                                              pour l’ensemble de la France ».
                                                              Mais cela n’a pas suffi à calmer les esprits. À l’initiative de
                                                              France Nature environnement, un débat public a été orga-
                                                              nisé. Malheureusement, les représentants de la compagnie
                                                              minière (consortium détenu par l’entreprise russe Nordgold
                                                              et le canadien Colombus Gold Corporation) n’ont pas jugé
                                                              bon de rencontrer les populations autochtones.
                                                              C’est ce qu’a relevé Chantal Jouanno, la présidente de
                                                              la commission nationale du débat public, regrettant que
                                                              les industriels ne se soient pas déplacés à la réunion qui
                                                              s’est déroulée en mai 2018 en présence des chefs cou-
                                                              tumiers pourtant concernés au premier rang. Elle déplorait
             Localisation du projet Montagne d’or             par ailleurs que la compagnie minière « n’apporte aucune
                                                              réponse aux recommandations de la Commission et de
                terme, il serait le plus grand site minier du territoire   l’expert hydrogéologue en ce qui concerne la libération de
             À  national, s’étendant sur 800 hectares. Le projet prévoit   métaux lourds ».
             d’extraire 85 tonnes d’or primaire en mine à ciel ouvert   Les défenseurs des droits humains ont donc eux aussi rap-
             pendant un minimum de douze ans. Pour extraire l’or de la   pelé à l’ordre le consortium à l’aide de l’article 15 de la
             roche, pas moins de 46 500 tonnes de cyanure en circuit   Convention 169 de l’OIT*. Dans la foulée, le Haut-Commis-
             fermé seraient nécessaires et plus de 55 000 tonnes   sariat aux droits de l’Homme exhortait la France à tenir ses
             d’explosifs.                                     engagements auprès des peuples indigènes protégés par
             Les boues toxiques seraient ensuite stockées dans des   la Convention internationale pour l’élimination de toutes
             bassins contenus par des digues. Pierre Paris, le président   formes de discrimination raciale.
             de la compagnie Montagne d’Or en Guyane, se veut rassu-  En octobre dernier, c’était au tour d’un collectif réunis-
             rant. Il affirmait en juillet 2018 au Parisien : « Nous com-  sant plus de 1 700 scientifiques de condamner le projet
             penserons notre impact en réhabilitant et en reboisant, et   dans une tribune au Monde. Non seulement, l’exploitation
             nous assurerons le suivi et le contrôle du site trente ans   minière, qui s’étend en partie sur des vestiges précolom-
             après la fin de l’exploitation. Montagne d’or, c’est 3 750   biens, entraînerait « la perte irréversible de nombreuses
             emplois, dont 90 % en Guyane. Mais aussi 420 millions   espèces biologiques », mais elle fait peser le risque d’une



              58                                                                                -  mars / avril 2019
   55   56   57   58   59   60   61   62   63   64   65